Classement du Château Labelle à Saint-Pierre du Vauvray (27430)

Classement du Château Labelle à Saint-Pierre du Vauvray (27430)

A l’issue de 5 années d’instruction, suite au passage en Commission Régionale du Patrimoine à Caen en novembre 2024 (CRPA), le Préfet de Région vient d’approuver le classement du château Labelle de Saint-Pierre du Vauvray à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH).

Cette procédure a été soutenue par Mme la Maire de Saint-Pierre du Vauvray, et elle a été approuvée à l’unanimité du jury en présence de Mme France Poulain, Architecte des Bâtiments de France de l’Eure.

Le classement porte sur la totalité du château, façades et toiture, ainsi que l’intérieur, ce qui est extrêmement rare et témoigne de la qualité des décors conservés dans leur intégralité – jusqu’aux salles de bains en émaux de Briare -, y compris évidemment la dizaine de cheminées, les boiseries, l’escalier, etc. Ce classement englobe aussi les communs de la même époque de 1910, et l’ensemble des parcs clos de murs, qui sont cités comme vestiges d’un parc plus ancien.

C’est dire l’intérêt que le Ministère de la Culture a porté à ce château Labelle, resté jusqu’à ce jour méconnu et qui n’avait jamais été répertorié dans aucun ouvrage touristique de la région, ni aucune étude. Cet intérêt du Ministère s’explique par l’homogénéité de la propriété et son excellent état de conservation, après plusieurs années de travaux.

Après des recherches assidues, nous avons pu reconstituer l’origine de la propriété, qui avait été acquise par la famille Labelle en 1840. A cette époque, il s’agissait d’un manoir de style – voire d’époque – Louis XIII en briques et pierre, dont il nous est resté une carte postale de 1900. Ce manoir était agrémenté d’un fort beau jardin qu’on retrouve sur le cadastre Napoléonien, où figure déjà un parterre engazonné côté nord.

Ce parterre nous a intrigué depuis le début, et nous ne comprenions pas pourquoi il était engoncé avec des escaliers pour y accéder. Des inspecteurs des sites et des monuments historiques ont percé le mystère : il s’agit d’un boulingrin, autrement dit d’un terrain de jeu de boules de la fin du XVIIIe siècle, extrêmement rare, car il doit en subsister une dizaine en France, dans des châteaux parmi les plus prestigieux comme Vaux le Vicomte et Villandry, ou encore à Monaco par exemple. Il existe bien une rue du Boulingrin à Rouen, mais celui-ci a disparu. Ils ont généralement été effacés au profit de parcs à l’anglaise au XIXe siècle.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul atout du site, en considérant le parc sur la colline, qui après défrichage s’est révélé ordonnancé, avec une allée de mélèzes menant à un belvédère, un gigantesque pin parasol, une allée de tilleuls, des hêtres pourpres, et même des grottes.

De l’autre côté de l’actuelle Grande Rue – qui n’existait pas encore – se trouvait le parc frontal, avec une allée de 24 platanes d’Orient, enfouie sous les broussailles, et que nous avons dégagée. Cette allée devait se prolonger vers la Seine (avant le chemin de fer).

Vers 1870, les Labelle ont voulu agrandir le manoir en lui ajoutant deux ailes pour faire château. C’est l’époque où ils ont ramené ce magnifique séquoia des Amériques qui a poussé pour atteindre aujourd’hui 42 mètres de haut, et qui vient d’être répertorié au PLUI-H de l’Agglomération Seine-Eure.

Enfin, tout ce plan a été chamboulé en 1910 par la crue centenale de la Seine, qui a dû frapper à la porte du château, au point de persuader les Labelle de le démolir pour le reconstruire sur le même emplacement, mais surélevé de plus d’un mètre plus haut.

Ce nouveau château a été conçu par deux architectes réputés : Charles Duval (Grand Prix de Rome), architecte de  l’entretien du château de Versailles, associé avec Emmanuel Gonse, un architecte mondain. Ils se sont inspirés du château de Bellevue imaginé pour Madame de Pompadour, avec le projet d’un parc à l’anglaise, qu’ils n’ont pu réaliser par suite de l’entrée en guerre en 1914, ce qui a permis la préservation du boulingrin.

Il s’agit donc d’un château du début du XXe siècle, copié sur un modèle XVIIIe, mais avec des balcons et marquises qui marquent bien l’époque 1900. Les communs au sud sont de la même veine néoclassique. Le parc est lui d’origine du XVIIIe siècle.

La propriété est restée dans la famille Labelle avant d’être vendue à des Anglais il y a vingt ans, et de finir aujourd’hui entre les mains d’un vieux passionné de monuments historiques, qui en a reconstitué l’histoire et l’a restauré à l’identique.

Patrick Debuck, le propriétaire

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